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 L"échec" des indépendances a une raison simple

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Abd95
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Abd95


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Date d'inscription : 28/10/2006

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MessageSujet: L"échec" des indépendances a une raison simple   L"échec" des indépendances a une raison simple EmptySam 6 Jan - 1:12

L'échec des indépendances : Madagascar et l'île d'Oléron

Qui n'a pas entendu, au détour d'une conversation, sur la situation économique, politique ou sociale des pays les moins avancés, une phrase péremptoire du type : "depuis qu'ils ont eu leur indépendance, ils ont été incapables de se débrouiller, et de plus, ils trouvent encore les moyens de se plaindre, les ingrats".

Ce genre de raisonnement est très en vogue, d'autant plus qu'il s'appuie sur une espèce d'évidence qu'il serait difficile de nier. Effectivement, les projets de développement mis en place après les indépendances des années 50-70 se sont souvent révélés des échecs patents (et parfois sanglants), et ceux qui mettent ces déboires sur le compte du seul néo-colonialisme sont certes dans l'erreur car ils dénotent bel et bien un problème endogène.

Pour autant, affirmer qu'il s'agirait-là d'une preuve flagrante, d'une démonstration de l'incapacité structurelle qu'auraient ces nations et ces sociétés à se développer, c'est commettre une autre erreur, tout aussi grave.

En fait, c'est plutôt la situation coloniale qui était une aberration. Expliquons-nous. Lorsque la métropole investissait dans une colonie, elle favorisait une rentrée d'argent, un transfert de technologie qui étaient en fait totalement artificiels. Car la colonie devenait alors une extension de la puissance économique métropolitaine, les investissements nécessaires mais aussi le savoir-faire et la volonté politique, tout venaient d'outre-mer, rien n'était le produit des facteurs humains locaux, qui n'étaient employés, au bout de la chaîne de compétence, qu'en tant que main d'œuvre corvéable. A l'indépendance, les investissements ont perdu l'assise financière qui était la leur lorsqu'ils s'amortissaient en métropole, le savoir-faire n'était plus là, car les ingénieurs locaux n'avaient pas été suffisamment formés (et surtout responsabilisés), enfin, la volonté politique nécessaire avait disparu car elle reposait dorénavant sur une base presque exclusivement locale (ce qui supposait d'autres impératifs, plus immédiats).

Illustrons cette thèse par un exemple quelque peu osé mais néanmoins très parlant. Imaginons que l'île d'Oléron soit passée dans les années 1950 sous tutelle américaine et que Washington, pour une raison particulière, ait décidé d'en faire sa vitrine européenne ? Bien sûr en quelques années seulement, des investissements pharaoniques sont entrepris (construction d'un aéroport international, d'un port en eau profonde), des établissements balnéaires de haute gamme sont implantés sur la côte, des exonérations d'impôts juteuses attirent en masse les riches fortunes de la côte Est. Oléron devient une véritable extension de Miami Beach. Après quoi, le climat politique change, la petite île est rétrocédée, les investissements stoppent, les riches expatriés et les délégués du MIT rentrent à Boston. Evidemment, les quelques centaines de kilomètres carrés d'Oléron replongent bien vite dans l'indolence économique qui était la leur précédemment (pêche côtière, ostréiculture, tourisme saisonnier). Au terme de ce processus, les Américains auraient eu beau jeu de présenter Oléron comme un désert avant leur arrivée, et comme une île incapable de se développer une fois leur retrait devenu effectif. On voit pourtant bien ce qu'aurait d'erroné un tel raisonnement. Car le développement était artificiel, presque entièrement conditionné par une volonté extérieure. Il serait injuste d'incriminer l'absolu responsabilité des habitants de l'île dans cet état de fait. Pourtant, c'est ce que font les Français par exemple lorsque, mi-goguenards mi-navrés, ils contemplent la faillite d'un pays comme Madagascar. Les réalisations coloniales effectuées là-bas ne se comprenaient pourtant qu'au regard de l'histoire économique française. C'est dans la révolution technique du Moyen-Âge tardif, dans les effets de la première, puis de la seconde révolution industrielle, c'est dans la vitalité du tissu socio-économique francilien ou normand que les ports de Nosy-Be ou de Tamatave trouvaient indirectement leur véritable source. Déconnectés de cette histoire et de ce maillage, ils redevaient les petits ports d'un petit pays en marge. Plus grave, en détruisant les structures politiques et administratives (qui, pour être embryonnaires n'en existaient pas moins), les colons (militaires ou civils) avaient en définitive affaibli les capacités propres de la société malgache qu'il avait placer sous tutelle. En créant un développement artificiel, et donc une structure de commandement importée, ils hypothéquaient gravement l'avenir. En utilisant un langage très imagé on pourrait dire que l'on avait cassé les jambes d'un homme, puis qu'on les avait remplacé par des jambes artificielles plus performantes, qu'on lui avait ensuite retirer, le laissant dans une situation bien plus inconfortable qu'initialement. On a pu se faire une idée de ce processus en observant l'évolution très contrastée qu'ont connue certaines anciennes colonies, selon qu'elles avaient été gérées selon le système de l'Indirect Rule ou d'après le principe de l'administration directe. Il suffit en l'occurrence d'observer le destin de l'ex-Somaliland britannique au regard de ce qu'est devenue l'ancienne Somalie italienne, l'une et l'autre ayant été des cas d'écoles, respectivement de l'Indirect Rule britannique et de l'administration importée. Evidemment, on ne pouvait pas demander à aux colons en question de penser leur œuvre comme un processus temporaire, car celle-ci n'avait de sens à leurs yeux qu'en tant qu'étape irréversible du développement de l'Humanité.

Toujours est-il que si l'on ajoute à cela les graves problèmes engendrés par les conflits ethniques et politiques, résultats d'un climat international tendu, ceux dus à l'artificialité des frontières et du manque de légitimités de pouvoirs post-coloniaux, on comprend mieux les facteurs réels de la faillite économique de nombreux Etats du Tiers-monde. Ce qui n'excuse d'ailleurs en rien les graves erreurs intellectuelles commises par les dirigeants des nations en question, comme celle consistant à tabler sur l'efficacité d'une économie planifiée, ou d'une économie de rente, au détriment du renforcement de l'agriculture vivrière et des industries locales. Ce qui ne revient pas non plus à sous-estimer l'influence des facteurs culturels, car effectivement, certaines Weltanschauung semblent mieux s'adapter que d'autres aux exigences du développement économique productiviste.

Mais enfin, le déterminisme mono-causal qui nous offre en pâture ces seules explications "culturelles" est sérieusement infécond et limité sur le plan intellectuel, et surtout il a tendance à rejeter les solutions nécessaires dans un hypothétique et en tout cas très lointain avenir (car les données culturelles sont sûrement les plus réticentes aux évolutions) alors même que l'on a besoin de solutions ou en tout cas de réponses immédiates et pratiques. Il est plus juste de voir comme nous venons de le dire la colonisation comme une "fausse bonne idée", en matière de développement s'entend et indépendamment du caractère immoral des guerres qui l'ont engendré et des répressions qui l'ont fait perduré. Car elle a entraîné une déchirure brutale et profonde du tissu économique et social local, elle a placé les populations en question dans un véritable état de sujétion (aussi bien politique que culturel) qui leur a désappris l'autogouvernement, enfin et surtout elle a entretenu (quant elle y est parvenu d'ailleurs) une fausse croissance, une croissance artificielle, qui n'était pas le résultat d'un projet développé consciemment et volontairement par la société en question, mais bel et bien de la détermination politique de la métropole. Ce faisant elle a contribué à faire croire que le développement était quelque chose de "facile" et "d'immédiat" alors qu'il s'agit d'un processus lent et particulièrement complexe.
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