Le calife Hisham (m. 743)

Hisham ibn 'Abd al-Malik

‏هشام بن عبد الملك‏

Né à Dimashk/Damas, vers 72 H [691]
Mort à Rusafa, près de Palmyre, le 6 rabi' II 125 H [6 février 743]

Père : Abd al-Malik ibn Marwan (m. 705)
Mère : Ai'sha bint Hisham ibn 'Ismai'l al-Makhzumi (m. 705), fille du gouverneur de Médine et arrière petite-nièce de Khalid ibn al-Walid, le célèbre conquérant de la Syrie surnommé l'Epée de la Foi.

Enfants connus : Sulayman, Sa'id, Walid, Abu Shakir Maslama, Muawiya (707-737).

Calife de 105 [janvier 724] à 125 [février 743] (19 ans)

Mort naturelle à 52 ans ~

De tempérament austère, animé d'une grande piété, épris d'ordre et de stabilité, Hisham allait s'avérer très différent de ses frères, souvent dépensiers et d'humeur changeante, le seul trait qu'on lui connaisse pouvant le rattacher à ces derniers fut sa passion immodérée pour l'équitation.

Désigné comme héritier du trône en 720, il régna près de vingt ans, vingt années qui peuvent être considérées comme les dernières vraiment brillantes de l'époque Umayyade. Protecteur des arts et des lettres, il fut le promoteur de l'une des premières apogées de la littérature islamique. Grand bâtisseur, il se fit édifier de magnifiques palais dans le désert syrien, dont les ruines encore aujourd'hui impressionnent les voyageurs *.

On sait qu'il épousa entre autre l'une des descendantes du calife 'Uthman. Sunnite orthodoxe mais sans fanatisme, il présida au hadj en 725 et fit éduquer ses fils par le grand savant Ibn Shihab az-Zuhri. S'il protégea ses sujets chrétiens des persécutions il n'hésita pas à faire exécuter son ancien secrétaire, l'hérétique kadarite Ghaylan al-Dimashki et à faire exiler ses partisans dans les îles Dahlak **.

Au cours de son règne, Hisham parvint à maintenir et à développer la machine étatique que lui avait légué son père, il accrut les effectifs de la chancellerie et maintint le budget en équilibre. Il encouragea le développement agricole et l'artisanat de luxe. Il s'attacha également à enrichir le cérémonial de cour, n'hésitant pas à arborer comme les rois de la Perse antique le sceptre, la couronne et le sceau ***. C'est peut-être à lui que l'on doit la première utilisation des tiraz, ces robes de soies brodées d'or fin que les souverains musulmans médiévaux prendront l'habitude d'offrir à leurs hauts fonctionnaires en récompense de leurs services. Durant tout son règne il s'appuya essentiellement sur les clans Kalbites.

Entourés de brillants secrétaires, dont quelques-uns, tels Abu l-'Ala Salim et son successeur Abd al-Hamid ibn Yahya sont connus pour être les auteurs des premiers ouvrages consacrés à la science du gouvernement (le Kitab fi l-siyasa al-'ammiyya pour le premier), il nomma également d'excellents administrateurs, au premier rang desquels figurent les gouverneurs Khalid al-Kasri (Irak), Nasr ibn Sayyar (Turkestan), Junayd (Inde), ainsi que son propre demi-frère Maslama (Arménie) et son fils Sulayman (Anatolie). Sans avoir à quitter la Syrie, le souverain garda un œil scrupuleux sur le travail accompli par eux dans les provinces. Il fit réprimer quelques insurrections shi'ites de faible ampleur, à l'instar de celle qui agita Kufa en 740. Sur les marges de l'empire, il ordonna le maintien d'une attitude offensive. A la tête de troupes aguerries, ses différents gouverneurs pénétrèrent en Gaule, dans le Sahara, en Anatolie, dans le Caucase, en Asie centrale et jusqu'en Inde où, à chaque fois, elles réalisèrent des percées spectaculaires permettant à l'empire d'atteindre sa plus grande extension territoriale. Mais elles ne purent se maintenir longtemps dans ces avant-postes excentrés. En Inde en 728, en Gaule en 732 (bataille de Poitiers), et en Anatolie en 740 (bataille d'Akroïnon) les armées arabes subirent même des revers cinglants qui allaient s'avérer décisifs. Plus grave peut-être furent les conséquences de la grande révolte berbère de 740/741 qui ruina en quelques mois le pouvoir arabe dans toute la vaste région située au-delà de Kairouan ****. Après avoir tenté sans succès de se faire succéder par l'un de ses fils, Hisham accepta de faire de son neveu al-Walid son héritier. Il fut enterré dans sa vaste résidence de Rusafa.


* Les deux plus importants palais attribués à Hisham sont ceux de Kasr al-Hayr al-Sharki (Château de l'Est, 727-728) et de Kasr al-Hayr al-Gharbi (Château de l'Ouest, 724-727), situés entre l'Euphrate et la région de Palmyre. Hisham s'installa néanmoins plus au nord, dans l'antique Sergiopolis (Rusafat Hisham), qui fut de facto la capitale de l'Empire pendant une dizaine d'années. On lui doit également l'édification du palais de Khirbat al-Mafjar, près de Jéricho (célèbre pour sa mosaïque au lion), ainsi que la construction de la forteresse d'Amman et celle du Kasr al-Hallabat, également en Jordanie.
C'est sous son règne en 732 que fut fondée par l'un de ses gouverneurs la mosquée de l'Olivier (az-Zaytuna), près de Carthage, autour de laquelle sera édifiée la ville de Tunis.
** Les kadarites demandaient en effet que tout calife s'étant rendu coupable d'une faute punissable par la loi soit destitué car selon leur doctrine, l'homme est toujours responsable de ses actes et la raison d'Etat ne peut exister.
*** Selon al-Tabari, le calife abbasside Abu Jafar al-Mansur exprimera plus tard tout ce qu'il devait à Hisham sur le plan de l'administration de l'empire.
**** Fait majeur s'il en fut dans l'histoire islamique, car pour la première fois en cent-vingt ans, le pouvoir réel du calife cessa de coïncider, et cela de façon définitive, avec le Dar al-Islam.