Bonjour à tous et à toutes,
Ah ! Beau souvenir de la jeunesse, le charme de la littérature se trouve chez tant d'auteurs mais puisque l'exercice consiste à en choisir un et à le presenter, eh bien ma foi, laissez-moi vous présenter "La Mère" de Pearl Buck.
Et pour vous le présenter, laissez-moi donc vous recopier ces quelques passages de la préface si joliment rédigée par Louis Gillet :
Pour cette Américaine, fille de pionniers et de pasteurs, la vraie patrie, c'est la Chine. Elle y était venue âgée de quelques mois. Son premier horizon, ce fut une colline et un fleuve, dans la campagne du Yang-tsé ; les premiers mots qu'elle bredouilla sont ceux que lui apprit sa nourrice chinoise. Cette vieille bonne femme l'éleva sur ses genoux, l'abreuva de lait et de fables. Jusqu'à l'âge de dix-huit ans, tout l'univers de la jeune fille, celui de ses sensations d'enfance et de jeunesse, fut ce vaste et profond monde jaune. C'est là qu'elle avait grandi, vécu, appris les formes et les noms des bêtes, les couleurs des saisons, celles de l'amitié et de l'adolescence ; tout cela se confondait avec le plus profond d'elle-même.
(...) Puis-je trahir un petit secret ? Quand je portai le texte à la Revue des deux mondes, j'avoue que j'avais peu d'illusions. Que penserait le public d'un livre sans intrigue, sans anecdote, sans sujet, inflexiblement monotone, cruel, et tellement peu soucieux de piquer la curiosité que le principal personnage ni aucun de ceux qui l'entourent ne sont même pas une fois nommés. Il est difficile de pousser plus loin le renoncement, le goût du sacrifice et le dédain de la vanité. Qu'est-ce qu'un roman dont l'héroïne garde tout le temps l'incognito ? Qu'est-ce que cette femme qui ne dit pas son nom, et qui n'est que la Mère, la statue de la Maternité ?
Pourtant, le livre fut reçu d'emblée, et fit une impression profonde. Cette femme qui perd son mari, sa fille, puis son fils, comme une vivante dont on amputerait les membres l'un après l'autre, cette existence désolée qui n'est qu'un lent supplice, cette répétition invariable du malheur, cette absence de déclamation, ce ton uni, cette simplicité, cet intérêt qui vous captive dans ce manque d'aventures finissent par produire une souveraine impression de grandeur : c'est toute l'immensité de la plaine chinoise, ce labeur opiniâtre, éternel ; les choses dans ce paysage, semblent se dérouler comme des lois de la nature, leur emprunter leur caractère d'indifférence et de nécessité. C'est la tranquillité des faits imperturbables, qu'aucune prière ne conjure.