As-salâm 'alaykoum,
Je voudrais juste apporter un bémol à ce qui a été énoncé plus haut. S'il est vrai que la peine de mort existe bel et bien dans le Coran, explicitement pour la loi du talion quand un homicide est commis (qui est effectivement présente aussi dans la Torah), le Coran donne la possibilité à la famille de la personne tuée de pardonner au tueur, et d'ainsi échapper à l'exécution. Le Coran recommande même cela à la famille de la personne tuée.
Pour ce qui est de l'adultère, il s'agit d'une peine qui retrouve ses sources dans la Torah également. En islam, elle se base sur la sunna du Prophète
, et les deux seules personnes qui aient été exécutées pour cette raison, sont une femme qu'on appelait Al 'Amiriya, et un homme qu'on appelait Ma'iz. Dans les deux cas, ce sont ces personnes qui se sont elles-mêmes manifestées et demandaient à se faire exécuter pour se purifier de leur péché.
Le Coran est très stricte quant à l'accusation d'adultère sans témoin (il faut 4 témoins occulaires prêts à engager leur parole qu'ils aient vu l'acte de pénétration sans équivoque aucune). Si une personne accuse une autre d'adultère sans pouvoir apporter 4 témoins dont la parole est digne de confiance, et bien c'est elle qui encourt une peine pour diffamation.
Il est vrai aussi que le Coran ne contient pas de verset qui dise explicitement qu'il faille exécuter l'homme ou la femme coupable d'adultère. Mais la majorité des jurisconsultes concluent à l'existence de cette peine en se basant sur les deux cas cités plus haut, et qu'on retrouve dans les livres authentiques de la sunna prophétique.
Pour l'apostasie, là encore le Coran ne stipule rien au sujet de cette peine, mais la sunna rapporte plusieurs hadiths où le Prophète
émet des condamnations à mort à l'encontre de certaines personnes qui ont quitté l'islam pour rejoindre les rangs de l'ennemi. Mais d'autres sources rapportent aussi qu'il existe d'autres personnes qui se sont retournés à leurs croyances d'avant l'islam sans qu'elles n'aient encouru aucuen condamnation à mort.
Mais avant d'émettre un avis personnel, je rapporterai deux histoires du patrimoine islamique, ayant eu lieu chacune avec le second calife de l'islam Omar Ibn Al Khattab.
La première concerne l'une des tournées nocturnes d'Omar
durant laquelle il marchait comme à l'accoutumé, dans les rues de Médine afin de voir comment vivait le peuple. Il fut intrigué par le son d'une musique et d'un état apparemment très joyeux dans une maison. Il sauta par dessus le mur, et a trouvé que le maître de la maison était en train de boire du vin et de s'amuser à écouter de la musique. Omar lui dit : "Je t'ai attrapé en train de boire, j'appliquerai la peine contre toi." L'homme lui dit : "ô Prince des Croyants, si j'ai commis un péché, tu en as commis trois : d'abord Dieu dit "et entrez dans les maisons par leurs portes", et toi tu as sauté sur le mur pour venir chez moi. Dieu dit: "N'entrez pas avant d'avoir demandé la permission" et toi tu es rentré chez moi sans ma permission. et Dieu dit "Ne vous espionnez pas mutuellement" et tu m'as espionné." Le Calife ne trouva pas quoi dire, et se sentant gêné pria Dieu de le pardonner et quitta la maison de cet homme.
La deuxième histoire, concerne une année de grande famine ('âm Ar-ramâda) qui frappa Médine, durant laquelle Omar décréta que cette année-là, on ne coupera pas la main du voleur.
Ces deux histoires montrent une chose importante, c'est que la charia, la législation divine est une miséricorde et non un fardeau. La Charia oblige l'Etat musulman et le gouvernement musulman de fournir à tout citoyen les moyens d'une vie décente avant d'exiger de lui qu'il ne vole pas. Si l'Etat a failli à sa mission, il n'est plus en mesure d'appliquer les peines.
Pour le délit d'apostasie, plusieurs savants, en étudiant les cas précis pour lesquels le Prophète
avait condamné des personnes à mort, ont expliqué en le rapprochant avec ce qu'on appelle aujourd'hui le crime de "haute trahison", qui mérite bien souvent dans le droit moderne "la peine capitale" (que ce soit la condamnation à mort ou à perpetuité selon les Etats).
Pour ce qui est de l'adultère, comme l'homme que Omar a pris la main dans le verre en train de boire, tant que la personne ne le fait pas en public de façon à pouvoir réunir 4 témoins, même si elle vient de commetre un péché capital, mais il n'appartient à personne d'ordonner son exécution. Et même si un homme surprend sa femme ou une femme surprend son mari en train de commetre l'adultère, il ou elle ne peut pas le faire condamner pour cela tant qu'il ou elle n'a pas 4 témoins occulaires.
Même l'évocation de cette raison pour le divorce doit être faite dans des termes extrêmement délicats, ils doivent passer par la procédure dite "al li3an", c'est à dire que la femme et l'homme témoigne mutuellement que leur parole et la vraie, et que la malédiction de Dieu soit sur elle ou lui s'il ment dans cette accusation.
Aussi les jeunes filles qui tombent enceinte dans certains pays qui disent appliquer la Chari'a, et qui cherchent à les lapider, sont bien souvent pas mariées. Et donc ce n'est pas un délit d'adultère, mais de fornication simple, et qui dans la jurisprudence musulmane ne mérite pas la condamnation à mort, à l'unanimité.
Là où je veux en venir, c'est qu'à mon sens, la peine de mort en islam est conçue de façon à vraiment minimiser son application, mais elle doit avoir une force persuasive. Hélas, ce qui se passe aujourd'hui dans de certains pays musulmans contredit la miséricorde de Dieu, dans le sens où certains régimes cherchent plutôt à provoquer une certaine hystérie ou euphorie collective autour de l'exécution de certains "fauteurs", comme la Rome antique s'adonnait aux combats de gladiateurs pour amuser le peuple et faire qu'il ne s'occupe surtout pas des vrais problèmes qui le concernent.
Je ne sais pas si les jurisconsultes musulmans seront unanimes sur l'idée du moratoire lancée, entre autres par Tariq Ramadan, et qui demande justement de prendre en considération l'évolution des sociétés d'aujourd'hui pour appeler à une réflexion plus en profendeur sur la finalité de certaines peines, plutôt que de continuer à les appliquer à tout va.