Salam alikoum,
Dans les religions monothéistes, l'individu est composée d'une âme qui correspond en quelque sorte à une empreinte. Espérons que vous serez nombreux à venir présenter ici vos connaissances sur la conception musulmane de l'âme.
En attendant, voici une brève description de la façon dont les musulmans de Java la perçoivent.
L'héritage javanais est le même que dans l'ensemble de l'Asie du Sud-Est, c'est-à-dire qu'il est composé en grande partie des vestiges des religions animistes et indiennes. L'Islam n'a pas su se défaire dans cette contrée de ces influences, si bien que les musulmans de Java ne considèrent pas qu'ils possèdent une seule âme mais deux et il s'agit ici d'expliquer à quoi cela renvoie.
Dans la pensée religieuse de l'Asie du Sud-Est, les hommes croient aux génies. Ces génies ne font pas que vivre à côté des humains, ce sont eux qui leur donnent une âme pour vivre. C'est comme s'ils vivaient à l'intérieur des corps humains. Leur nature capricieuse et leur regret d'avoir quitté les délices du Ciel pour habiter un être humain font qu'ils ont toujours envie de s'en sauver, de partir retrouver ces délices.
Quand ils quittent le corps de l'homme, celui-ci tombe alors malade et s'ils ne reviennent pas, il meurt. C'est pour cette raison que les chamans organisent ce que l'on appelle "le rappel des âmes". Cette séance de prières durant laquelle on fait aussi des offrandes de riz notamment sert à faire revenir les génies dans le corps de l'homme. Vous pouvez déjà constater ici que c'est exactement le contraire des exorcismes chrétiens (par exemple). Généralement, les génies reviennent et alors, l'homme retrouve ses âmes perdues.
Comme vous le voyez, les Javanais ne croient pas qu'ils ne possèdent qu'une âme mais plusieurs. Ces âmes, lorsqu'elles quittent le corps ne signifient pas que le sujet va forcément mourir, contrairement à nos sociétés où l'on meurt si l'âme quitte le corps. Le fait que les âmes supportées par les génies puissent s'enfuir du corps montre qu'elles ne portent pas les actions de l'individu, ce qui signifie que la notion de responsabilité individuelle n'existe pas.
En somme, la conception javanaise de l'âme est parfaitement contraire aux conceptions que nous en avons dans les religions monothéistes. Alors, comment l'Islam s'est-il accommodé sur cette île de cette façon de penser l'âme ?
Selon un chercheur rattaché à l'EHESS, Stephen Headley, les Javanais convertis à l'Islam n'ont pas su ni pu se défaire de ces conceptions issus des animismes anciens. L'opposition flagrante entre les deux conceptions religieuses est telle que seulement deux solutions se présentaient à eux : soit ils rejettent complètement la croyance aux génies porteurs d'âmes, soit ils essaient de rendre les deux croyances complémentaires.
C'est pour cette deuxième solution qu'ils ont opté. Ils ne pouvaient faire autrement que chercher le syncrétisme car la nouvelle croyance présentait une rupture sociale et culturelle trop brutale.
Les "lettrés" javanais ont donc réfléchi à la manière de rendre compatibles les deux conceptions opposées de l'âme. Pour ce faire, ils ont tout simplement considérés que l'homme possédait plusieurs âmes, portés par les génies, comme le veut l'animisme des religions anciennes, mais qu'il possédait aussi une âme portant sur elle la responsabilité des actions humaines.
Si les autres âmes peuvent quitter le corps de l'homme à n'importe quel moment selon les caprices de génies, en revanche, cette âme "de responsabilité" reste toujours ancrée dans le cœur de l'homme et au moment de sa mort, elle quitte alors le corps pour rejoindre les hauts lieux où siège le trône de Dieu. C'est cette âme qui donnera à la balance les actions de l'individu tandis que les autres âmes iront brûler en enfer pour leurs caprices.
Voici donc très brièvement exposée la façon dont les Javanais considèrent le problème de l'âme. Nous sommes très loin des considérations philosophiques élaborées par les grands philosophes de l'âge d'or, vous ne trouvez pas ?