Etudier les pauvres et les sans-pouvoir

Salaam

au risque de me prendre un vent (c'est mort en ce moment Sabyl...), un sujet me tient à coeur et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Je commencerais par une citation dans l'étude ethnographique de l'anthropologue Philippe Bourgois intitulée En quête de respect. Le crack à New-York (Paris, Seuil, « Liber », 2001) dans laquelle le chercheur tente de faire une sociologie de dealers de crack pour décrypter le mécanisme de la responsabilité individuelle de ces derniers :

« Comme l’a très bien dit au début des années 70, l’anthropologue Laura Nader : « n’étudiez pas les pauvres et les sans-pouvoir : tout ce que vous direz sur eux pourra être retenu contre eux ». J’ignore si je suis capable de présenter l’histoire de mes trois ans et demi de vie dans le Barrio sans tomber dans une pornographie de la violence, ou un voyeurisme raciste ; en définitive, le problème de la responsabilité dépend de l’interprétation qu’on en fait. » (p.47)

alors je ratisse large : Est-ce que vous êtes d'accord avec l'affirmation de Laura Nader ? Pourquoi ? Comment éviter - tant bien que mal, car c'est souvent de l'extérieur que c'est imposé - de tomber dans les travers de l'étude scientifique des populations dominées lorsqu'on ne veut être ni leur porte-parole, ni leur détracteur ? Est-ce que ce n'est qu'une question d'interprétation comme l'affirme P.Bourgois ?

Merci

Pour ceux qui voudraient assister à une conférence d P.Bourgois, une journée d'étude a lieu le jeudi 28 juin de 15h à 19h à la Sorbonne
http://calenda.revues.org/nouvelle8670.html

Salamu alaykum

Le même constat est potentiellement imaginable dans le cas des études sur l'environnement, le réchauffement de la planète et tout ce barzingue. Les études alarmistes catastrophisent tellement la situation actuelle de la planète qu'en bon citoyen du monde, nous sommes persuadés que dans 50 ans, la terre ne sera plus. L'exemple le plus bête et évident ? Le Pétrole ? Combien de conférences et de bouquins sur la fin de lère pétrolière et toutes les catastrophes économiques que cela engendrera. Sauf que dans toute cette histoire dramatique, le pétrole, on ne sait pas ce qu'il en reste et on est bien incapable de l'évaluer justement parce qu'on est incapable d'évaluer nos propres outils de mesure présents et à venir.

Si vous touchez à des thèmes qui concernent des contreparties politiques, c'est-à-dire des thèmes qui font de l'ombre aux organismes décisionnaires, forcément les résultats que vous allez produire et qui sont supposés aider la sensibilisation générale risquent de produire l'effet inverse de ce que vous escomptiez. Parce que vous allez chercher à intéresser des pôles de décision qui, très naturellement, voudraient bien avoir autre chose à faire que de s'y intéresser et qui vont donc apporter des solutions à vos études qui produiront pour de vrai ce coup-ci des catastrophes.