As salam aleykum
"Boire un p'tit coup"
On mésestime en général l'importance des détails, or un mince détail, si anodin qu'il paraisse, trahit souvent mieux la vérité d'une situation que de longs discours, et dans les relations humaines plus que partout ailleurs.
Il en est ainsi des règles alimentaires dont on ne doit pas sous évaluer l'importance. On pense parfois que les non-musulmans ont tort de s'offusquer lorsqu'un de leurs interlocuteurs refuse de trinquer avec eux ou de prendre du poisson lorsqu'ils prennent de la viande. On se dit, et on n'a pas tout à fait tort d'ailleurs, qu'il ne s'agit là que de points inessentiels, sur lesquels il n'y a pas lieu de s'arrêter, bref qu'il n'y a pas plus de raison de prendre mal ces refus que s'ils étaient motivés par un quelconque problème métabolique ou une simple histoire de goût.
Mais on se trompe en mettant tout cela sur le même plan. On se trompe sur les implications très profondes de cette situation et cela pour deux raisons, l'une semble triviale l'autre est plus profonde.
D'abord parce qu'en Europe, le diptyque "alcool-porc" n'est pas qu'une simple partie mais bien, à côté du pain, la base même de l'alimentation, occupant à cet égard la même place que le maïs en Amérique et le riz en Asie. La cerveza et le chorizo espagnols, la bier et la bratwurst allemandes, la beer et le bacon anglais, le verre de rouge et la tranche de jambon en France et en Italie sont pratiquement des incontournables de la gastronomie locale, et depuis longtemps déjà, ils sont au centre de nombreux processus de socialisation, à la campagne comme à la ville, dans les milieux populaires comme dans les classes les plus aisées. Refuser de les consommer, c'est l'une des façons les plus sûres qui soient pour se mettre ipso facto en dehors de ce cercle invisible qui sépare le "nous" des "autres". Voilà pourquoi cette question ne cesse et ne cessera de revenir sur le devant de la scène, car c'est une véritable lutte qui se joue, une bataille de tous les instants dont l'issue n'est rien d'autre que l'identité des populations concernées.
L'autre raison est que les non-musulmans ont bien compris une chose que les musulmans semblent souvent pour leur part continuer d'ignorer. Car dans ce : "je ne bois pas d'alcool merci", ou bien dans ce : "pas de viande pour moi", ils ne devinent pas que des appréciations personnelles sur la qualité gustatives des aliments ou des boissons en question, ils voient beaucoup plus. Ce qu'ils entendent c'est d'abord : "vous et moi appartenons à deux mondes différents" et même : "dans le mien Dieu existe et il a parlé par les prophètes, et Il nous a laissé une guidance. Dans le votre Dieu n'existe pas, ou bien est blasphémé et cette voie du déni et du blasphème vous mène droit vers l'enfer, vers le néant. Votre voie et la mienne, parfaitement antagonistes l'une à l'autre, seront en lutte jusqu'au jugement de Dieu". Voilà ce que son interlocuteur perçoit dans les paroles extérieurement "anodines" du musulman, même s'il le fait de façon parfois inconsciente, aussi on comprend aisément que cela ne le perturbe un tant soit peu, et que cela le gêne plus en tout cas que s'il s'était agît de simples jugements de goût.
On ne peut toutefois s'empêcher de penser qu'il s'agit-là d'un décret divin. Dieu a placé les musulmans dans une situation telle, que le simple fait de continuer d'être ce qu'ils sont constitue déjà un jihad, un effort et une épreuve en soi. Refuser cette épreuve c'est refuser l'Islam. Penser que les musulmans puisse vivre de façon pacifique dans un pays non-musulman, c'est certes louable et même réaliste. Mais penser que leurs relations puissent devenir harmonieuses, c'est faire preuve par contre de naïveté, pis, c'est ne rien avoir compris à ce qu'est l'Islam. Car lorsque le hadith du Prophète (sws) nous annonce "j'ai été envoyé pour combattre les gens jusqu'à ce qu'ils disent, il n'y a de dieu que Dieu", cela ne signifie pas qu'il nous exhorte à être en guerre de façon concrète et permanente, mais simplement qu'il nous contraint à ne jamais accepter que "tout soit mis sur le même plan" : la foi en Dieu et son absence, la fidélité à Dieu et l'infidélité. Or, en ces temps de relativisme généralisé et de lénification, ne pas accepter de mettre les choses sur le même plan, dans ses paroles et dans son comportement, c'est déjà s'être engagé dans un grand combat.
Et certes, Dieu sait mieux