Muhammad Niazi (m. 1978)

As salam aleykum

Muhammad Ghulam Niazi

L'actualité politique internationale nous amène souvent à mesurer les conséquences innatendues et à vrai dire surprenantes de la situation politique afghane sur l'échiquier stratégique mondial. Or, celui qui s'interroge sur l'histoire contemporaine de l'islam politique afghan ne peut faire l'impasse sur la figure extraordinaire de Muhammad Ghulam Niazi, qui fut à bien des égards, le père fondateur de ce courant d'idées.

De nombreuses personnalités afghanes, militaires ou civiles, politiques ou intellectuelles, ont été influencés directement ou indirectement par sa personnalité et ses écrits, qu'il s'agisse du commandant A. Massoud, d'A. R. Sayyaf, de G. Hekmatyar et de biens d'autres.

Muhammad Ghulam Niazi a vu le jour en 1932, dans le village de Rahim Khel, proche de Ghazni, ville qui fut jadis la capitale culturelle et politique de l'Afghanistan médiéval. Il appartenait comme son nom l'indique à la prestigieuse tribu pashtoune des Niazi, l'une des plus influentes du pays. Son père Abdul Nabi envoya son fils effectuer des études religieuses à la madrasa Abu Hanifa de Kabul qui, au vu de ses talents le dépêcha auprès de l'université d'Al-Azhar, au Caire. Là-bas, le jeune étudiant afghan fut tout de suite plongé dans le climat survolté de l'Egypte des années 1950, marqué notamment par la lutte féroce que le nassérisme triomphant menait contre les Frères musulmans. Les idées de ce mouvement le séduisirent presque immédiatement. Lorsqu'il revint dans son pays en 1958, c'était avec la ferme intention de participer à la renaissance de l'islam afghan sur la base des principes de Hassan al-Banna : anti-colonialisme, panislamisme, islamisation de la société et de l'Etat.

Nommé professeur à l'université de Kabul, Niazi prit bientôt la tête du département d'études islamiques de l'institution, devenant ainsi l'un des hommes le plus en vue de l'intelligentsia afghane des années 1960. De façon semi-officielle, il rassembla étudiants et collègues autour d'un cercle de réflexion que l'on prit l'habitude d'appeler l'Association islamique (Jamiat i-islami). Son charisme lui permit d'obtenir une audience certaine. En 1972, le pouvoir regimba une première fois et le professeur fut arrêté. Libéré à la faveur de la chute du roi Zaher Shah, Niazi ne recouvrit pas longtemps la liberté. En avril 1974, la plupart de ses étudiants furent arrêtés, d'autres entrèrent en clandestinité ou s'enfuirent au Pakistan, un pays où, sous la conduite de Burhannudin Rabbani (né 1940), ils reformèrent la Jamiat i-islami. Le leader charismatique de l'islam politique afghan fut quant à lui tenu au secret durant de longues années. Finalement, son martyre prit fin lorsque les plus décidés des communistes parvinrent au pouvoir en 1978 derrière le terrible Taraki. Condamné à mort, Muhammad Ghulam Niazi fut pendu dans une prison de Kabul. Quelques mois plus tard, les chars soviétiques entraient dans la ville, et ses anciens élèves décrétaient officiellement l'ouverture d'un grand djihad contre l'occupant.

Comme l'illustre magnifiquement le parcours du commandant Massoud, l'histoire de l'islamisme afghan contemporain peut s'analyser comme celle de la rencontre entre ces jeunes intellectuels ré-islamisés, issus de milieux urbains, et l'islam traditionaliste des soufis et des imams des zones rurales. C'est la lutte anti-communiste qui souda l'unité de ces deux traditions.