As salam aleykum
Entre deux vengeances
Il faudrait peut-être arrêter de prétendre ou de croire que le combat qui se joue devant nous a pour objectif l'établissement d'un califat mondial ou à l'inverse, la destruction de l'islam. Ces fantasmes théoriques germent peut-être dans l'esprit de certains, mais le ressort à la fois profond et immédiat qui pousse des hommes et des femmes à se battre et à mourir, ce n'est rien d'autre que la vengeance, une vengeance tout à fait concrète, qui n'a pas besoin d'être portée par une vision de l'avenir ou un arsenal conceptuel particulièrement élaboré, comme on l'affirme trop souvent.
Vengeance donc, de la part de certains, contre des Etats rendus coupables de trahison à l'égard des droits de leurs populations et des devoirs de leur foi. Vengeance contre des élites occidentalisées et désolidarisées de leurs propres compatriotes qu'elles considèrent avec un mélange de dédain et d'anxiété. Vengeance enfin, contre des Occidentaux jugés irrémédiablement tyranniques et arrogants, coupables d'avoir placer leurs soldats d'un bout à l'autre de la planète et d'avoir mis en œuvre une politique de re-colonisation que d'aucuns comparent à une véritable croisade.
Mais vengeance aussi d'autre part, contre des activistes qui ne semblent témoigner d'aucun respect pour la vie humaine, qu'il s'agisse de la leur ou de celle des autres, leur faisant ainsi mériter le titre de terroristes. Vengeance contre des Etats ou des institutions accusés de les soutenir. Vengeance contre ceux qui ne semblent avoir pour mot d'ordre que la violence et pour seul objectif qu'une guerre éternelle et implacable contre tous ceux qui ne partagent pas leurs croyances métaphysiques.
Processus circulaire. L'occupation des Etats musulmans par des armées étrangères et l'élimination méthodique des combattants renforcent la haine et la détermination de certains, qui passent ainsi plus facilement à l'acte. Ce qui aura pour effet d'accroître encore la résolution des Etats occidentaux à lutter contre leurs réseaux (y compris par des méthodes contestables) et à vouloir consolider leur emprise sur les sociétés du monde islamique. On assiste ainsi à une rencontre entre deux vengeances, qui n'ont d'autre but que de faire payer à l'adversaire une partie du prix de ses actes, que ceux-ci soient réels ou supposés. Vengeances qui ne mènent à rien, sinon qu'elles servent d'exutoire à ceux qui les mettent en œuvre et leur donnent brièvement le sentiment de s'être rendus utiles.
Voudrait-on une illustration de la profonde inefficacité de la vengeance en tant qu'arme politique ? Qu'on s'interroge alors sur ce que sept (ou plutôt cinquante ?) années d'un tel cycle d'attentats et de représailles ont apporté à la solution du problème israélo-palestinien ? N'en est-il pas aujourd'hui au même point que jadis ? Dans ces conditions, comment espérer que la guerre contre le terrorisme, qui présente les mêmes caractéristiques que ce conflit, mais sur une échelle mondialisée cette fois, puisse aboutir à un résultat différent ?