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 L'islam dans la campagne présidentielle : un désabusement

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Oumm Aymen
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Oumm Aymen


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Date d'inscription : 08/10/2006

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MessageSujet: L'islam dans la campagne présidentielle : un désabusement   L'islam dans la campagne présidentielle : un désabusement EmptyMer 16 Mai - 21:20

L’islam dans la campagne présidentielle: un désabusement, par Justin Vaïsse

Par Justin Vaïsse (enseignant à Sciences Po) 20H06 06/05/2007
Rue89.com


Lorsque je me suis lancé, voici quatre ans, dans l'exploration d'un champ de connaissances entièrement nouveau pour moi –l'islam en France– avec mon ami et co-auteur Jonathan Laurence, je m'attendais à découvrir des crises, des blocages, des combats, bref un paysage lourd de menaces et de divisions. J’avais largement parcouru cette littérature alarmiste qui a pignon sur rue aux Etats-Unis, où je travaillais à l'époque –les Bruce Bauer, Tony Blankley, Bat Ye'or, Claire Berlinski, Daniel Pipes, Niall Ferguson et autres Michel Gurfinkiel – qui décrivent une Europe peu à peu subvertie par des immigrés musulmans préparant l’imposition de la charia dès qu’ils auront remporté la guerre démographique, ce qui ne saurait tarder (je caricature, mais à peine). Certes, je n’étais pas dupe, mais je m’attendais tout de même à trouver une situation grosse de crises et de tensions.

Or, en entamant les recherches d’abord livresques puis, une fois revenu en France, plus concrètes, qui ont conduit à notre ouvrage Integrating Islam (2006), paru le mois dernier aux éditions Odile Jacob sous le titre Intégrer l’islam. La France et ses musulmans: enjeux et réussites, j’ai assez vite constaté que l’école de "l’Eurabie" non seulement s'égarait dans des descriptions délirantes, ce que je soupçonnais déjà, mais surtout qu'elle posait les mauvaises questions et ne répondait pas aux bonnes, celles qui permettent de se faire une idée de la "question musulmane".

Ce que j’ai découvert, et qui constitue le socle de nos conclusions, c’est que les musulmans français sont déjà intégrés (l’un des titres auxquels vous avez échappé était d’ailleurs: Les Musulmans français après l’intégration. Cela dit, un autre avait ma préférence: La Fille aîné de l’islam, mais finalement il n’est pas passé). En d’autres termes, quand on va à la rencontre non pas de l’islam, catégorie vague où chacun met ce qu’il veut, mais des musulmans concrets, on trouve en majorité écrasante des Français qui ne sont pas plus bizarres, homogènes ou séditieux que les autres, et qui sont souvent plus optimistes sur l’avenir de leur pays, plus patriotes –mais certainement moins bien considérés collectivement. Quant à leur diversité, elle est éclatante, et c’est elle qui nous fait dire que "la" communauté musulmane française n’existe pas (voir les chapitres 1 et 3 de notre bouquin).

Tandis que nous conduisions notre recherche, plusieurs éléments sont venus renforcer cette impression: des entretiens, des enquêtes (notamment celle, très approfondie, du Cevipof, ou celle, comparative, du Pew Center, en plusieurs tomes: ici, là et encore là) et le laboratoire historique qu’ont constitué les années 2002 à 2006. Après tout, on a eu plusieurs occasions de tester en grandeur réelle les théories des alarmistes, avec la loi sur les signes religieux à l'école publique (2004), les émeutes urbaines de novembre 2005, ou encore la crise des caricatures (début 2006). Si vraiment le problème était culturel et religieux, la mobilisation contre la "loi sur le foulard" aurait dépassé les maigres manifestations pacifiques qu'on a vues, et l'application de la loi aurait posé problème –or les musulmans de France l’ont respectée strictement, malgré leurs sentiments très partagés et, pour certains, très hostiles. On aurait aussi eu une coloration culturelle des violences urbaines de 2005 –où l'on a relevé au contraire l'absence de toute mobilisation religieuse (et même politique).

On aurait aussi assisté à des protestations violentes à l'occasion de l'affaire des caricatures quelques mois plus tard, mais rien, malgré l’impression qu’a crée l’agitation et les violences, largement instrumentalisées, ailleurs dans le monde. (A cet égard, même si je suis satisfait de son issue, on n’a pas assez souligné que le procès de Charlie Hebdo était une procédure républicaine légitime, et non un "procès moyen-âgeux", et que ce qui était attaqué dans les dessins danois n’était pas le blasphème mais le racisme, comme le jugement du tribunal sur le 3e dessin "turban-bombe" l’a rappelé (parenthèse dans la parenthèse: j’adore les BD de Joann Sfar, mais son Greffier est, sur ce point, aussi injuste qu’il est distrayant). (Bis: si l’on applique, pour le plaisir de la spéculation, le jugement du tribunal selon lequel le 3e dessin apparaît bien "de nature à outrager l'ensemble des adeptes de cette foi [...] en ce qu'il les assimile –sans distinction ni nuance– à des fidèles d'un enseignement de la terreur" à la fameuse tribune de Robert Redeker, notamment à la phrase "Haine et violence habitent le livre dans lequel tout musulman est éduqué, le Coran", on voit assez vite où se situe le problème de cette tribune). Surtout, c’est sur le terrain, sur le plan local, que cette impression d’une normalisation de l'islam dans le paysage français est la plus forte: l'un des exemples probants, c'est le déblocage, certes pas partout, de la construction des mosquées. Dans les années 1980 et 1990, pour simplifier, c'était "l'islam des caves": les fidèles devaient aller prier dans des endroits parfois indignes de n'importe quelle activité sociale –ou, dans le meilleur des cas, dans des salles collectives au pied des immeubles ou encore dans des pavillons. Au cours des dernières années, les relations entre les associations musulmanes, souvent plus unies qu'auparavant, et les conseils municipaux, ou les autorités préfectorales, se sont assouplies, et des projets de construction ont vu le jour malgré tous les obstacles (réticences des riverains, absence de financement du fait de la loi de 1905, etc.). Même à Marseille le projet de grande mosquée, après des années de paralysie, s’est débloqué, même s’il a subi un revers temporaire dû à la triple triple requête devant le tribunal administratif par… Villiers, Mégret et Le Pen. Bref, les choses sont beaucoup moins conflictuelles qu’aupravant, à tel point qu’à présente, ce sont les évangéliques qui ont le plus de mal à construire des lieux de culte, dixit Didier Leschi, le chef du Bureau central des cultes au ministère de l’Intérieur.

Un autre exemple, dont souvent les gens n'ont pas idée, c'est le dialogue interreligieux mis en place depuis longtemps par la Conférence des évêques de France: c'est vrai que certains segments des catholiques pratiquants sont hostiles à l’islam (cf. rapport
CNCDH 2007 pages 135-136) mais le Secrétariat pour les relations avec l’islam, depuis 1974, a ouvert un "chemin de rencontre et de dialogue" qui fait mentir les aficionados du choc des civilisations. Pareil du côté du Crif qui a sa commission pour les relations avec l’islam, ou d’initiatives moins institutionnelles. Je ne suis nullement pour donner une place plus importante aux religions, mais je constate que si on écoute les religieux établis (ceux qui sont en contact avec des fidèles, pas les stars des médias) et non les "politiques" qui prétendent parler en leur nom, il y a beaucoup moins de conflictualité –dans la France d’aujourd'hui s’entend.

Alors, bien sûr il y a des problèmes: un énorme problème social, celui des quartiers difficiles, et qui touche une partie des musulmans de France (du fait de l’appartenance de beaucoup d’entre eux aux couches populaires habitant dans ces quartiers), mais qui n’a pas de teneur religieuse. Et l’autre énorme problème, c’est celui des discriminations, qui cette fois touche une très grande partie des musulmans de France puisque la plupart sont originaires d’Afrique ou de Turquie –les populations touchées par le racisme.

Bref, tout n’est pas rose, évidemment, mais avec du recul historique et géographique (par rapport aux autres pays européens), il est difficile de souscrire à l'idée selon laquelle "la question musulmane" va de mal en pis en France. On peut du reste créditer l’Etat, avec ses politiques hétéroclites et parfois maladroites, d'une partie de cette amélioration (voir le livre, chapitres 5-6-7).

Mais venons-en à l'élection présidentielle et à mon désabusement.

Compte tenu des développements survenus ces dernières années, d'un climat régulièrement moins hostile aux musulmans, sur le long terme et malgré des à-coups, et plus généralement des signes de mobilisation sérieuse de la société civile contre les discriminations, on pouvait espérer que cette campagne allait suivre le mouvement et symboliser cette maturité nouvelle des relations entre la France et "sa" deuxième religion, en nombre de fidèles.

Las. Les amalgames et stéréotypes négatifs n’ont cessé de fleurir. Et pas seulement chez Philippe de Villiers, qui en fait commerce ("Moi, je crois que l'islam est le terreau de l'islamisme et l'islamisme est le terreau du terrorisme. Donc, on ferait mieux de faire attention"). Il y eut aussi Ségolène Royal au gymnase Japy le 13 novembre: "Mon combat pour la laïcité, c'est pour vous femmes voilées, femmes mutilées, femmes excisées, femmes violées, femmes écrasées."

On pouvait penser que la vision du port du voile comme systématiquement imposé par des mâles islamistes sur des femmes dominées, en France, s’était un peu complexifiée, qu’on avait compris que d’autres phénomènes étaient à l’œuvre dans la plupart des cas, et bien non. François Bayrou, paradoxalement le préféré de certaines associations musulmanes, n’a pas une interprétation du voile tellement plus nuancée ("cette manière de vêtir singulièrement les jeunes filles et les femmes semble signifier que, aux yeux de celles qui la revendiquent ou s’y soumettent comme aux yeux de celles et de ceux qui la prônent, le statut de la femme est inférieur à celui de l’homme").

Il y eut aussi les appels du pied de Nicolas Sarkozy le 5 février 2007 sur TF1 à l'électorat d'extrême droite, jouant sur le rejet de l’islam comme un de Villiers, et diffusant des clichés dégradants sans rapport avec la réalité de 2007 (…) en partie grâce à lui, du reste, du fait des progrès réalisés par l’encadrement de l’abattage rituel au moment de l’aïd par les CRCM, les Conseils régionaux du Culte musulman, cf. par exemple ce cas concret): "Personne n'est obligé d'habiter en France, mais quand on y vit on n'est pas polygame, on pratique pas l’excision sur ses filles, on n'égorge pas le mouton dans son appartement."

Mais là où on a sans doute touché le fond, c’est avec le texte d’attaque de Nicolas Sarkozy par Eric Besson (devenu soutien de Nicolas Sarkozy) intitulé "L’inquiétante “rupture tranquille” de Monsieur Sarkozy". D'abord, ce pamphlet a de véritables relents des années 1930: traiter un homme politique d'étranger ("un néo-conservateur américain à passeport français"), je croyais que c'était un truc d'extrême droite. Ensuite, cet abêtissement sidéral dès qu’il est question du néoconservatisme m’horripile. Full disclosure: j’ai consacré les mille et quelques pages de ma thèse à l’histoire de ce courant de pensée né entre 1965 et 1972. Je n’attends pas d’Eric Besson qu’il la lise, d’autant qu’elle n'est pas encore publiée, mais il y a bien d’autres sources, et rien n'excuse son ignorance crasse – il utilise ce mot plutôt que "conservateur" simplement parce que le préfixe "néo" fait peur (voir néolibéral, néo-nazi, etc.), mais il n'a pas la moindre idée de ce que ça peut recouvrir, il suffit que ça fasse américain.

En fait, il flatte deux passions françaises de façon insidieuse, l'antiaméricanisme le plus rance et l’islamophobie: c’est parce que Sarkozy est américain qu’il favorise le communautarisme en s'alliant avec les islamistes. Le déchaînement de haine contre l’UOIF, traitée selon les passages de "fondamentaliste", "d’intégriste", de "radicale" et "d’islamiste", et même contre le CFCM, qualifié de "coordination fantoche" au "fonctionnement chaotique", aux mains des "intégristes de l'UOIF", est assez sidérant (Besson avait fait machine arrière sur le lycée Averroès de Lille prétendument "fondamentaliste" à la demande des élus socialistes du Nord, qui connaissent la réalité, et sous la menace d’un procès pour diffamation -source Le Monde).

Bref, loin de prendre acte des progrès, certes relatifs, de la situation de l'islam en France, le monde politique au cours de cette campagne a régressé vers ses vieux démons: crispation laïcarde à courte vue côté gauche, traditionnels rejets xénophobes de l'islam à droite. D’où mon désabusement –qui n’efface pas le constat d'une lente amélioration de la situation des musulmans en France, mais qui le tempère d’un soupir de regret concernant le monde politique. J'espère que le troisième et le quatrième tour de cette élection (les législatives) vont me remonter le moral, en portant à l'Assemblée nationale des
représentants du peuple qui ressemblent un peu, dans leur diversité, au peuple qu'il représente.



Sources:
http://rue89.com/2007/05/04/l_islam_dans_la_campagne_pr_sidentielle_un_d_sabusement
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Date d'inscription : 04/10/2006

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MessageSujet: Re: L'islam dans la campagne présidentielle : un désabusement   L'islam dans la campagne présidentielle : un désabusement EmptyJeu 17 Mai - 12:16

Wa `aleykoum salâm,

Merci beaucoup Oumm Aymen pour ce bon texte!

Oumm Aymen a écrit:
[qui sont souvent plus optimistes sur l’avenir de leur pays, plus patriotes

Juste au passage, c'est aussi une remarque qui a ete faite a propos des musulmans britaniques (ou, ne l'oublions pas, il y a eu les attentats de Londres 7/7):
http://news.bbc.co.uk/1/hi/uk/6557003.stm

Citation :
(Bis: si l’on applique, pour le plaisir de la spéculation, le jugement du tribunal selon lequel le 3e dessin apparaît bien "de nature à outrager l'ensemble des adeptes de cette foi [...] en ce qu'il les assimile –sans distinction ni nuance– à des fidèles d'un enseignement de la terreur" à la fameuse tribune de Robert Redeker, notamment à la phrase "Haine et violence habitent le livre dans lequel tout musulman est éduqué, le Coran", on voit assez vite où se situe le problème de cette tribune).

Delicieux passage!

Citation :
Au cours des dernières années, les relations entre les associations musulmanes, souvent plus unies qu'auparavant

A souligner, notamment par rapport aux debats recurrents sur les dissentions dans la "oumma" (dont certains disent meme ici qu'elle n'existerait pas Wink je rigole)!

Citation :
Bref, loin de prendre acte des progrès, certes relatifs, de la situation de l'islam en France, le monde politique au cours de cette campagne a régressé vers ses vieux démons: crispation laïcarde à courte vue côté gauche, traditionnels rejets xénophobes de l'islam à droite.

Je me demande si l'auteur n'oublie pas la possibilite que cela ai pu etre juste une strategie pour gagner ces elections, pas du tout une partie de leur plan. C'est a dire qu'une fois que les candidats ont ete elus, ils arretent d'effrayer (mais ca ne veux pas dire que leurs actes sont meilleurs que ces paroles caricaturales).

Citation :
J'espère que le troisième et le quatrième tour de cette élection (les législatives) vont me remonter le moral, en portant à l'Assemblée nationale des représentants du peuple qui ressemblent un peu, dans leur diversité, au peuple qu'il représente.

Completement d'accord!

Wa salâm.
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