L'Islam, le monde et l'usage de la violence

As salam aleikum

La violence est-elle un trait humain ou religieux ?

Les violences observées dans les pays du monde musulman, qu'il suffise de nommer l'Irak, l'Algérie, l'Iran ou le Pakistan pour en avoir quelque idée, ont servi à justifier une analyse simpliste qui consiste à faire de l'Islam lui-même un facteur de violence.

Lorsque l'on a présenté les choses de cette façon on croit s'être exonéré d'une analyse plus approfondie. Ce faisant, on passe peut-être à côté d'une véritable compréhension du phénomène et donc, d'une possible résolution de la question.

De même que les problèmes de pauvreté qui affectent certains pays du monde musulman ne peuvent être compris que dans le cadre d'une analyse globale des stratégies de développement mises en place dans les pays appartenant à ce que l'on appelait autrefois le Tiers-Monde, de même la question de la violence ne peut se concevoir que dans un cadre plus élargi que celui du simple "monde musulman".

Les phares de l'actualité se sont braqués sur les conflits internes au monde islamique, car celui-ci est, pour l'Europe, l'étranger le plus proche. Mais ni l'Irak ni le Liban n'ont été les seuls pays à connaître une guerre civile au cours des trente dernières années, loin de là.

Prenons simplement l'exemple de l'Amérique latine. Au Salvador, petit pays de 5 millions d'habitants, la guerre entre gouvernement et rebelles a fait dans les années 1980 près de 80.000 morts, des millions de déplacés et d'exilés. Au Guatemala, 10 millions d'habitants, dans les mêmes conditions, trente ans de guerre civile ont coûté la vie à 100.000 personnes, engendrant des millions de déplacés, d'exilés, une pauvreté endémique, une délinquance catastrophique. Le record fut peut-être atteint au Nicaragua, petit Etat de 4 millions d'habitants, et où les combats ont fait plus de 80.000 victimes. La Colombie, 35 millions d'habitants, demeure quant à elle guerre quasi permanente depuis 50 ans sans qu'une solution à long terme ne se dessine. Au Pérou, 20 millions d'habitants, la rébellion du Sentier Lumineux a coûté la vie à 25.000 personnes en vingt ans. En Argentine, cinq ans de dictature militaire ont fait 40.000 disparus.

A l'aune de ceux qui viennent d'être évoqués, des pays comme le Maroc, le Mali, la Malaisie, la Tunisie, l'Arabie saoudite, Oman, qui tous sont pourtant des pays musulmans, apparaissent comme étonnamment calmes et pacifiés. Si l'on sortait de l'Amérique latine on pourrait évoquer le Népal, le Cambodge, la Birmanie, le Sri-Lanka, le Congo, l'Angola et tant d'autres pays, régulièrement touchés par des tragédies du même type. Que l'on compare maintenant les bilans humains de ces violences à celles de la Palestine, du Liban, du Pakistan et l'on entrevoit que les problèmes du Proche-Orient, même s'ils sont dramatiques, n'ont rien pourtant rien d'extraordinaire à l'échelle de la planète.

Pourtant, on n'entend guère les Cassandre de la laïcité évoquer ces cas symptomatiques de l'utilisation excessive de la violence à des fins politiques ? Donne t'on pour explication à ces drames la religion ultra majoritaire dans ces pays, à savoir pour le Pérou par exemple le catholicisme romain, ou le bouddhisme pour le Sri-Lanka ? Non. Alors est-ce la faute à une certaine mentalité sud-américaine (dans le cas du Pérou) ou "asiatique" (pour le Sri-Lanka) ? Non. Alors le machisme ? Non, toujours pas. Tout le monde sait que les fléaux responsables de tant de misère dans ces pays sont : la bêtise humaine, l'ingérence étrangère, la haine de l'autre et la pauvreté.

Mais alors pourquoi dans le cas des pays musulmans ces explications sociales, économiques et politiques sont-elles considérées comme irrecevables ? Certains vont jusqu'à taxer d'angélisme tous ceux qui tentent de le mettre en avant. Pourquoi ce déterminisme monocausal d'après lequel tout reposerait toujours sur l'existence d'une certaine pratique religieuse ? Accuse-t-on le bouddhisme d'être responsable des guerres qui ont ravagé le Cambodge et la Birmanie alors que cette religion occupe une si grande place dans les sociétés de ces pays ? Encore une fois on préfère parler d'ingérence étrangère (pour le Cambodge) ou bien encore de la responsabilité des élites dans la gestion des conflits avec le monde rural, ou bien encore de l'excès de centralisme des gouvernements.

L'immense majorité des crimes commis au nom des religions le sont par des gens qui les commettraient également s'ils ne trouvaient pas ce prétexte, c'est dans leur cœur que se trouve le problème, pas dans les textes saints. Ils cherchent peut-être à se convaincre, à se leurrer eux-mêmes et à justifier ainsi des actes qu'ils savent mauvais, mais ils ne trompent qu'eux-mêmes hélas, et certainement pas Dieu qui est Juste (Al-Adl) et n'aime pas les Injustes.

N'oublions jamais enfin que les pires crimes de l'histoire (et là nous parlons de dizaines de millions de morts broyés par des machines étatiques, non de quelques attentats) ont été commis par, voir même, au nom de l'athéisme (crimes nazis, staliniens, chinois, cambodgiens). L'athéisme est donc tout sauf la panacée à toute forme de violence. Seul la foi, à notre sens, la vraie foi, complète et totale, l'annihilation de l'ego en Dieu est le remède aux égarements, hélas un tel stade dans la pratique spirituelle est à la portée de bien peu de gens.

Wa Allah 'alam

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